Une envie de frites ?

Une envie de frites ?

Cela fait quelques jours que j’ai envie de frites. Pas en continu, bien sur, mais de temps en temps. Et comme je suis un programme où je ne mange plus passé 16h, quand j’ai des envies, (le fameux « qu’est-ce qu’on mange ce soir? » de 18h30 pour organiser la sortie, calculer son itinéraire en sortant du boulot ou avant d’aller à une soirée), envies que je reporte consciencieusement au lendemain midi et qui se heurtent souvent au programme du jour (« ah bah j’ai fait des pâtes » ou « et si on mangeait japonais pour changer »). Donc j’ai un catalogue d’envies qui patientent en file d’attente au fil de la semaine, sachant que chaque report est une victoire – chaque pizza reportée au lendemain puis au surlendemain puis finalement à la semaine prochaine, c’est un repas plus sain qui me fait un bien fou.

Ce lundi soir, en sortant d’une nouvelle séance de cinéma, je me retrouve à 22h sur une avenue très accueillante de la capitale à l’heure ou beaucoup de monde dîne. Techniquement, je ne suis pas concerné, et à vrai dire je n’ai absolument pas faim. Mais je traîne un peu et je passe en revue les endroits où jadis, j’aurais pu m’arrêter pour dîner, comme tout le monde. Après tout, c’est mon droit, c’est mon choix, je fais ce que je veux. Et bien entendu, l’envie de frites est revenue.

Mais encore une fois, j’ai bien réfléchi, sans pression, tranquillement.

Oui, on peut faire un écart et dîner un soir, même dans le cadre du jeûne intermittent, car chaque journée est indépendante. Si on en a vraiment envie, un soir, on peut manger et ça ne changera pas grand chose. Cela n’aura pas d’incidence sur les autres soirs, sauf à se laisser aller complètement et sortir du cadre pour de bon, si on fait juste un repas le soir, il n’y a pas de nouvelle envie le lendemain. On triche une fois, le corps ne se formalise pas, l’impact peut être minime.

Mais est-ce que j’ai vraiment envie de tricher ce soir ? Non. Vraiment pas, en fait.

Je regarde le restaurant et je sais que je peux y aller, personne ne m’en empêche. Mais je sais très bien que tout ça va aller très vite, je vais à peine apprécier un repas somme toute rapide, ce ne sera pas si bon, ce sera un désastre alimentaire, absolument pas conforme avec l’idée que je m’en fais par avance. Et surtout, un repas dont je n’ai absolument pas besoin. Je n’ai même pas soif, je suis bien. La seule chose qui me pousserait à entrer dans ce resto, c’est sa belle façade et l’entrain général, l’opportunité qui se présente, mais ça ne va pas plus loin. C’est creux. Cette pseudo-envie n’est qu’une pub mensongère auto-suggérée.

Pour être tout à fait honnête, à cet instant précis, je sens bien que mon corps est à peine sorti de la digestion du repas précédent et je n’ai aucune envie de remettre mon estomac au travail. Je suis bien là, dehors, je suis tranquille et je n’ai concrètement aucune envie de passer à table. Je vois les gens qui mangent à travers les vitres et je ne les envie absolument pas.

Le temps de décortiquer cette envie, de la déconstruire, d’en comprendre les tenants et les aboutissants, je m’aperçois que j’ai déjà la tête ailleurs, le choix est fait depuis longtemps et je mets juste un peu de temps à le réaliser. Et je me porte très bien !

Quelle pollution… Vous imaginez si chaque fois que je passe devant un distributeur, je me pose autant de questions? Devant chaque point de vente, chaque restaurant, si je devais m’arrêter et faire le tri mes envies?

Je pense que la prochaine étape pour mon bien-être, pour être plus tranquille, c’est de devancer cette pollution intellectuelle consumériste basée sur le choix, la suggestion, la profusion de points de vente en agglomération autour des lieux de culture. Il faut que j’arrive désormais à dissocier la notion de sortie culturelle (seul ou entre amis) de l’idée de repas, drink, bouffe, encas. Car je sens bien que c’est un piège pour quelqu’un comme moi.

Le nouveau concept, ce n’est plus « je sors, peut-être que je mange un bout en passant… » mais « je sors, je me balade, je bois autant que je veux (de l’eau dans ma gourde que je pense à remplir régulièrement) et je sais déjà que quoiqu’il arrive, sauf urgence ou imprévu, je ne mangerai pas ». Et donc, quand je prévois ma semaine, je sais déjà que quand j’irai au cinéma, en sortie, la case « repas » est grisée. Sachant que je mange très bien le matin et le midi, c’est important de le rappeler, je suis rassasié pour la journée et très bien dans ma peau. Sauf urgence, sauf triche occasionnelle, il y aura bien des moments où on m’invitera à dîner et je ne refuserai pas, mais en dehors des exceptions, la règle est décidée. Car les tentations seront là, mais moi, armé de ma discipline et étant au clair avec mes intentions, je ne serai pas concerné. Mon esprit sera libre et je pourrai me consacrer pleinement à tout le reste.

Et d’ailleurs, comme on a mangé indien à midi (on a testé une nouvelle adresse), mon envie de frites n’est toujours pas assouvie. J’en suis plutôt heureux, car j’aurais pu manœuvrer pour, mais on avait envie de quelque chose de bon et sain, qui change de nos habitudes, il n’était pas question d’imposer aux autres mon envie arbitraire et absolument pas pressée, qui nous aurait ramené à la routine. Pas question d’influencer le choix collectif pour un petit plaisir égoïste (tiens donc, encore la notion de plaisir…). On m’a d’ailleurs dit « tu voulais autre chose, peut-être ? » et en pensant à mes frites, j’ai dit « surtout pas ! ». C’est un cri du cœur.

Avec ou sans patates, ce midi? Sans patates !!! (vous avez la ref?)

Je sens bien que ça tourne à l’obsession, ces envies, c’est de l’ordre du caprice, donc ça attendra. Et quand ça arrivera, ça n’aura rien d’extraordinaire – ce ne sera, au fond, qu’un repas comme un autre. Il faut vraiment redescendre…